croissance mondiale
Kristalina Georgieva, crédits : Shutterstock

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La croissance mondiale au défi d’un monde abîmé. Le FMI distribue les copies et dévoile ses prévisions de croissance pour 2024.

Le duo FMI-Banque mondiale réunit les grands pontes de l’économie à Marrakech. Comment penser (panser ?) la croissance dans un monde en permacrise, frappé par les guerres et les fléaux ?

La crainte d’un nouveau « choc pétrolier »

Les assemblées générales du FMI et de la Banque mondiale se tiennent en ce moment à Marrakech. Comme un symbole du désordre mondial, celles-ci avaient déjà été reportées par deux fois. D’abord en raison de la pandémie covid-19, puis à cause du terrible séisme qui a frappé le royaume de l’Atlas. Malgré l’incertitude et la vulnérabilité, le gouvernement marocain a voulu qu’elles puissent enfin se tenir – presque quoi qu’il en coûte. Cinquante ans que les fameuses rencontres du duo washingtonien FMI-Banque mondiale ne s’étaient pas tenues sur le sol africain… Il était temps !

L’événement incarne la résilience du Maroc et draine dans la sublime ville ocre les VIP de la finance mondiale. 10 000 visiteurs se croisent dans le palais des congrès, flambant neuf. Ce grand raout vise en principe à se creuser les méninges pour réfléchir sur la pauvreté, la stabilité monétaire et la fameuse transition écologique. Mais en réalité, les participants y viennent surtout pour se montrer et pérorer… Toujours bon de cultiver ses relations. Les conférences savantes ne sont souvent qu’un prétexte pour parler business.

L’Afrique, encore et toujours vulnérable

Pourtant, impossible cette année d’avoir le cœur à la fête. La guerre fait rage sur la planète : Ukraine, Arménie et désormais Israël, nation frappée au plus profond d’elle-même, victime d’un déchaînement de haine antisémite jamais vu depuis la Shoah. Difficile d’ailleurs d’entrevoir vraiment le contrecoup de cette crise ouverte au Moyen-Orient. La sanglante décennie qui s’ouvre va rabattre les cartes en tirant vers le haut – oui, encore, et cette fois ci pour de bon – le prix des hydrocarbures. Un nouveau « choc pétrolier » ?

Le FMI révise évidemment ses prévisions de croissance à la baisse. Après +3,5 % en 2022, le FMI table sur une progression du PIB mondial de +3 % cette année et +2,9 % en 2024. Si l’Afrique évite heureusement la récession – encore heureux dans un continent en développement – la croissance 2023 tire la langue avec seulement +3,3 %. Insuffisant pour tirer les populations de la misère. Paradoxe intéressant : malgré le potentiel éclatant du continent noir, de nombreux pays africains semblent en grande précarité. L’Égypte par exemple, pourtant géant régional et nouveau signataire des Brics+, est étouffée par la situation de la livre égyptienne. Malgré trois dévaluations depuis 2022, l’inflation augmente de 70 % sur un an.

FMI-Banque mondiale : duo du passé face aux Brics+ ?

Notons aussi la dramatique situation de la Tunisie. Au bord de la faillite, Tunis a pourtant renvoyé cet été, avec pertes et fracas, les négociateurs du FMI à leurs études. En rupture de ban, le président Kaïs Saïed est même parti en croisade contre l’institution. Après avoir comparé le FMI à une « malédiction antique » le président tunisien a appelé, fin juillet à Rome, à la création d’une « nouvelle institution financière mondiale » pour « établir un nouvel ordre humain où l’espoir remplace le désespoir ».

Kristalina Georgieva, directrice générale du FMI, a profité du sommet de Marrakech pour mettre un coup de pression au président Saïed, rappelant que sa porte était toujours ouverte, indiquant que le pays n’était pas « encore au bord du gouffre ». « La Tunisie a moins de risque comparé à l’Égypte, la Zambie et le Ghana mais des mesures urgentes sont toujours nécessaires pour finaliser les arrangements relatifs au plan de sauvetage d’une valeur de 1,9 milliard de dollars », rappelle l’ancienne économiste bulgare. Kristalina Georgieva le sait, son rôle de chef de file de la finance mondiale est de plus en plus remis en cause. Le FMI a du plomb dans l’aile. Certains pleureraient des larmes de crocodile si l’institution vétuste venait à mourir de sa belle mort.

La Tunisie, comme d’autres, envisagent de plus en plus de restructurer leurs dettes en faisant appel directement à des puissances étatiques, la Chine au premier chef. Cela ne va pas sans risque… Alors, nombreux sont les pays du Sud Global à se tourner vers la New Development Bank (NDB) ; la « banque des Brics », installée à Shangaï et dirigée par l’ancienne présidente brésilienne Dilma Rousseff.

L’effondrement économique de la Russie n’aura pas lieu

Le FMI prévoit une Allemagne en souffrance en 2023. Après une récession désormais certaine en 2022 (-0,5 %), le rebond ne devrait être que très modéré (+0,9 %). Pour la France, l’institution prévoit une croissance à +1 % et se montre très confiante pour l’Espagne (+2,5 %). Madrid gagnerait-elle son pari : celui d’avoir osé claquer la porte de ce marché européen de l’énergie qui nous plombe ? En regard, croissances molles pour l’Italie (+0,7 %) et le Royaume-Uni (+0,5 %).

Quant à la Chine, après une croissance de +5 % cette année, le coup de bambou (sans mauvais jeu de mots) s’annonce sévère en 2024 avec +4,2 %. La faute au marché immobilier, entré là-bas dans une crise profonde. L’Inde performe (+6,3 %) comme le Brésil (+3,1 % – en augmentation d’un point sur un an) et… la Russie ! Oui, Moscou se dirige vers 2024 avec une prévision de croissance de +2,2 %. Loin de l’effondrement économique annoncé par Bruno Le Maire en mars 2022 et qui, décidément, ne vient pas.

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