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Le 53e congrès de la CGT vient de s’ouvrir à Clermont-Ferrand.
Deux femmes s’affrontent pour succéder à Philippe Martinez. Marie Buisson, candidate de la continuité, affronte Céline Verzeletti, qui rêve d’un retour aux fondamentaux. Olivier Mateu, le radical phocéen, pourrait jouer les faiseurs de reines.
Ville volcanique pour syndicat en colère. Clermont-Ferrand accueille ce lundi 27 mars les cégétistes de la France entière. Objectif ? Trouver un successeur à Philippe Martinez, qui tire sa révérence après deux mandats. Pas simple de tenir congrès en plein mouvement social d’ampleur. Le gouvernement Borne aura beau jeu d’attiser les oppositions et les contradictions partisanes qui vont naître, pour tenter de diviser ce syndicat qui leur vole dans les plumes.
La CGT, bien malade jusqu’à il y a peu, retrouve des couleurs grâce à la contestation. Dans un duo bien rôdé, façon bon flic / mauvais flic, Laurent Berger et Philippe Martinez ont su entraîner le pays dans la rue. Les syndicats, dont certains supputaient l’inutilité, reviennent au centre du jeu. La sortie de crise ne se fera pas sans eux.
La révérence du camarade Martinez
C’est d’abord sur un « au revoir » que va se ponctuer ce congrès. Philippe Martinez va quitter ses fonctions et retourner dans son entreprise, Renault, qui comme il le dit avec humour « sera sans doute ravie de [le] retrouver ». La grande gueule à la tête dure a su faire exister la CGT grâce à sa gouaille. Certains l’apprécient, d’autres le vouent aux gémonies… Mais tout le monde le connaît ! Une personnalisation fondamentale pour peser.
En septembre, bien avant ce combat social d’ampleur, Philippe Martinez recevait ÉcoRéseau Business dans son bureau de Montreuil. « Il faut retrouver l’esprit de la conquête sociale », lançait ce militant d’un autre monde. Les relations d’Emmanuel Macron avec les syndicats ? « Il ne sait pas à quoi ça sert. Tout ce qui ne lui sert pas, il le considère comme inutile. Nous, on n’est pas opposé à un dialogue. On a participé à la précédente réforme des retraites. Mais la vraie question c’est : pourquoi la feuille de route du gouvernement est-elle la même avant les discussions qu’à l’arrivée ? Il est là le vrai problème. Le dialogue, c’est un échange. Alors, certains entretiennent un mythe et nous accusent de pratiquer la politique de la chaise vide… ». Une discussion criante d’actualité !
Marie Buisson, l’enseignante qui veut « ouvrir la CGT »
C’est la candidate de Philippe Martinez. Marie Buisson, qui dirige la Fédération Éducation Recherche Culture (Ferc), semblait en bonne voie pour succéder à son actuel numéro 1. Cette prof au style assez courtois et sobre est l’incarnation d’une voie plus centrale et réformiste. Celle qui milite au sein du collectif « Plus jamais ça » prône un rapprochement des questions sociales et écologiques – elle rêve de projeter la CGT à l’avant-garde du combat climatique. Une orientation qui ne plaît pas à la base, productiviste, attachée aux usines et surtout à l’énergie nucléaire.
Sous l’ère Martinez, Marie Buisson a beaucoup prôné l’orientation culturelle de la CGT, syndicat qu’elle veut réconcilier avec « le monde du spectacle ». Martinez compte bien protéger sa candidate et tuer dans l’œuf les accusations selon lesquelles elle ne ferait pas assez « traditionnelle » pour la CGT. Il lance à l’AFP : « C’est vrai que ce n’est pas une prolo […] Ce n’est pas gravé dans le marbre que tous les secrétaires généraux de la CGT devraient être des hommes qui viennent de la métallurgie ou des cheminots ».
Céline Verzeletti, la dame du « canal historique »
Née dans une famille communiste et cégétiste, Céline Verzeletti veut plus que jamais défendre le patrimoine du syndicat auquel elle a donné trente ans de sa vie. Dès l’âge de 20 ans, elle s’encarte et attaque aux Prud’hommes la société qui l’emploie ! Ensuite, elle travaillera comme personnel pénitentiaire à la prison des Baumettes puis en région parisienne. Mais très vite, l’essentiel de sa vie se résume à l’action syndicale – elle monte un à un les échelons de la centrale. Officiellement, elle n’est pas candidate. Mais située au barycentre de la CGT, elle pourrait rassembler finalement l’essentiel des adhérents. Celle qui fut longtemps une femme de l’ombre ne rechigne pas à aller aujourd’hui dans les médias pour défendre une ligne ferme. Le tout armée d’un accent du Sud-Ouest qui lui donne de l’ampleur. Elle est aujourd’hui favorite. Détail final et d’importance : elle a toujours sa carte au PCF, ce qui est devenu rare, même à la CGT !
Olivier Mateu, un provocateur qui a soif de radicalité
Il est le troisième homme d’un match à deux. Figure de la section des Bouches-du-Rhône, qu’il tient d’une main assurée, Olivier Mateu rêve de faire prendre un tournant vraiment radical à son cher syndicat. Celui qui a tenu pendant des jours le port de Fos-sur-Mer, et qui déclare « que si on veut le reprendre, on le reprendra » est coutumier des déclarations franchement excessives. Récemment encore, il comparait sur BFMTV la France de Macron « au Chili de Pinochet ». Une posture caricaturale qui paye toutefois en interne. Pour gagner, les deux candidates devront aussi lui donner des gages.