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La tendance n’est pas nouvelle. En 2007 déjà, Thomas Dutronc entonnait l’hymne au départ de Paris avec J’aime plus Paris où il racontait les déboires d’un Parisien mondain, cloué dans les bouchons sur le périphérique et coincé dans des rames de RER. Nombreux sont les ex-Parisien·nes à avoir écouté les conseils du chanteur qui ont franchi le cap en quittant la capitale. Pendant le confinement, ce sont ainsi 200 000 personnes qui ont choisi de partir et de fonder une nouvelle vie ailleurs, loin du tumulte.

Les raisons pour quitter la capitale sont nombreuses, très étudiées par le média spécialisé Paris je te quitte. Ses enquêteurs se sont tournés auprès des Francilien·nes après le confinement. La cause principale de ce besoin d’exode ? La volonté d’une vie « moins stressante », pour 59 % des répondants au sondage. Vient ensuite l’envie de se « rapprocher de la nature » ou de mener une vie « plus simple et en phase avec ses valeurs ».

Quitter Paris : un projet qui se réfléchit et se construit

« Paris est une véritable plaque tournante avec ses flux entrants, souvent d’étudiant·es ou de jeunes diplômé·es qui souhaitent démultiplier leurs opportunités professionnelles, et des flux sortants, de trentenaires majoritairement, qui souhaitent un nouveau cadre de vie », analyse Adrien Pépin, fondateur du média Partir de Paris. L’histoire de ce trentenaire est d’ailleurs emblématique de ce phénomène. Venu d’Avignon pour finaliser ses études de marketing, le jeune homme s’était donné cinq ans à vivre sur la capitale. Il y est finalement resté dix.

« À Paris, on est pris dans un rythme de vie intense, très axée sur le travail, on enchaîne les longues journées et les afterworks, on connaît une socialisation rapide et aisée. » En 2015 pourtant, l’idée de quitter la capitale lui trotte dans l’esprit. Il monte donc ce média spécialisé pour accompagner celles et ceux qui partagent cette envie, et, surtout, il cherche à se renseigner lui-même sur ce projet. Il franchit finalement le cap en 2020 et part s’installer à Toulouse. « Je pense que la décision de déménager aussi loin doit se réfléchir longuement, on ne peut pas tout plaquer du jour au lendemain. Le cadre de vie change, on est davantage dépendant de sa voiture au quotidien et puis il faut aussi faire des concessions sur un certain nombre d’avantages de la vie parisienne. »

Paradoxalement, les migrations parisiennes ne se font pas seulement vers des villes éloignées de la capitale. Une étude de l’Insee publiée en 2020 montrait que la moitié des Parisien·nes quittaient le cœur de la capitale mais restaient en région parisienne dans des villes périurbaines pour profiter de logements plus grands et continuer à profiter des opportunités professionnelles de la ville lumière. Et rares sont ceux et celles qui décident de tirer un trait définitif sur la vie citadine en s’installant à la campagne.

En 2017, sur 128 000 départs, seules 30 000 personnes avaient fait le choix de s’installer dans des territoires peu denses. Il n’empêche que celles et ceux qui décident de ce départ en parlent souvent en termes positifs et sans regrets. « M’installer à Lyon a été l’une des meilleures décisions de ma vie », témoigne Valentine, jeune diplômée d’une école de commerce. Après une année passée à travailler dans la capitale, la jeune femme originaire de banlieue a obtenu de son entreprise une mutation en région. « J’ai un rythme de vie beaucoup plus tranquille, j’ai doublé l’espace de mon appartement et j’ai très facilement pu me créer de nouveaux cercles amicaux. » Que du positif, donc. Mais des déconvenues se dressent parfois sur le chemin de celles et ceux qui optent pour cet exode. Cécile, entre autres, cadre cinquantenaire dans le secteur informatique, a voulu renouer avec ses origines bretonnes en demandant une mutation à Brest. Las.

Après quelques mois à peine et des allers retours fréquents pour retrouver son conjoint resté à Paris, elle fait machine arrière. « J’ai eu beaucoup de mal à créer de nouveaux cercles sociaux, je me sentais très seule dans cette nouvelle vie et cette nouvelle ville. »

Cet engouement parfois trop précipité de Parisien·nes a d’ailleurs inspiré une campagne publicitaire un poil provoc du site Mon-Marché.fr, spécialiste de la livraison des produits frais. Le site Internet taquinait les Parisiens en quête de nature avec des slogans chocs comme Rêver d’avoir un potager à soi, avoir un potager à soi et un lumbago bien à soi aussi ou Tout quitter pour s’installer au milieu de nulle part et élever des moutons, découvrir que c’est pas si sympa un mouton, se demander qui est vraiment le mouton. Les bergers apprécieront.

Des aides pour accompagner la mobilité

Il n’empêche que, derrière le côté provoc, la campagne met en lumière une nécessité dans tout projet de départ de Paris : celui de réfléchir bien en amont à son organisation. « Il faut du temps pour mûrir son départ, savoir où l’on va s’installer, comment on va organiser sa vie de famille dans une nouvelle ville, se questionner sur nos cercles sociaux déjà existants sur place pour faciliter le départ », chemine Adrien Pépin.

Et parce que l’un des freins majeurs à ce changement de vie est la question financière, Action logement – le groupe de gestion paritaire de la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC) – propose une aide jusqu’à 2 200 euros pour couvrir les frais d’accompagnement, l’Aide mobili-pass. Une aide accompagnée de prêts à taux avantageux pour accompagner les mobilités.

Les collectivités territoriales ont bien compris l’intérêt de ces départs de Paris. Comme l’agence de développement touristique de l’Eure. Elle s’est mise à proposer un certain nombre d’outils pour celles et ceux qui souhaitent s’installer dans le département via un dispositif « Bienvenue dans l’Eure » à travers des guides pour les Parisiens en partance, des conseils et des témoignages, et surtout des opportunités d’activités professionnelles dans le département.

Une autre tendance a émergé à la suite des confinements et couvre-feux successifs, celle de l’élargissement du télétravail. En 2021, 22 % des salarié·es ont ainsi télétravaillé au moins une fois par semaine. Une flexibilité qui a donné l’envie à de nombreuses personnes de quitter leur domicile parisien pour un cadre de vie plus épanouissant. Même si un nombre restreint de salarié·es ont réussi à maintenir un télétravail à temps plein, nombreux sont ceux et celles qui ont décidé de poursuivre l’expérience trois ou quatre jours par semaine. Avec une difficulté, celle de devoir revenir dans leurs locaux parisiens régulièrement. « Les salarié·es à même de conserver la flexibilité de poursuivre le télétravail ont parfois l’envie de quitter Paris et de s’installer ailleurs tout en revenant dans la capitale fréquemment, explique Lionel Bodénès, fondateur de Flexliving.

Mais dans ce cas, ils doivent payer des nuits d’hôtel ou louer sur des plates-formes de location en ligne qui sont souvent onéreuses. » Alors le Breton qu’est Bodénès a eu une idée innovante : créer une plate-forme de logements à temps partiel pour des déplacements parisiens. Bien moins chère, cette solution propose de louer quelques jours par mois un logement à Paris à proximité de son lieu de travail. « Cette solution offre un petit cocon parisien et évite de payer de nombreuses locations au mois ou de squatter le canapé de ses amis. »

Retour à la chanson de Thomas Dutronc en début d’article. Celui qui chantait sa haine de la capitale terminait en expliquant que Paris c’était « toute [sa] vie ». Un constat sans doute partagé par certains Parisien·nes grincheux·ses qui auront, tout de même, du mal à franchir le pas.

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