Une solution audacieuse. Puisque la dette est déjà logée dans le bilan de la BCE, pourquoi ne pas l’annuler ?

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D’après les dernières estimations, la dette publique s’établit en moyenne à 84 % du PIB dans l’Union européenne au dernier trimestre de 2022. Soit près de 13 300 milliards d’euros, bien loin des 60 % préconisés par la BCE. Mille millions de mille sabords…

Fort de ce constat, Mathieu Mucherie, économiste de marché, propose dans son livre « Tout ce qu’on ne vous a jamais dit sur la d€tte », une solution audacieuse. Puisqu’une partie de la dette est déjà logée dans le bilan de la BCE, pourquoi ne pas l’y annuler ?

La crise des « subprimes », la covid, sans compter l’économie béton requise pour assumer les engagements environnementaux de demain, autant de vagues successives qui inondent l’économie criblée de dettes. Ces vagues sont de plus en plus grandes et le parapluie de la BCE… de plus en plus petit !

Le caractère insoutenable de la dette

Les chiffres parlent d’eux-mêmes, de 2008 à 2009, la dette moyenne de l’UE a bondi de 69 à 80 % du PIB européen. Conséquence de la crise des « subprimes », qui a mis un moment à se faire ressentir. De 2019 à 2020, rebelote, la covid provoque une montée en flèche de 84 à 97 %, « même un marxiste-léniniste s’inquiéterait un peu ». Selon les estimations, il nous faudrait une « économie de guerre » pour soutenir nos engagements futurs en matière environnementale. On en est bien loin…

Dans son ouvrage, Mathieu Mucherie amène bien ce caractère insoutenable de la dette. Le paradoxe d’une économie censée croître, et dont les bénéfices se voient immédiatement avalés par le bilan de la BCE. D’après lui, les deux moteurs de l’extinction des dettes sont certes, la croissance, mais également l’inflation. Une inflation synonyme de bonne santé économique, que la BCE semble bien ne pas vouloir figurer dans son cahier des charges.

La conséquence, année après année, des bénéfices de croissance préemptés par les intérêts de la dette. Si la croissance nominale du PIB d’un pays membre est positive, son produit est absorbé et distribué aux créanciers de l’État. Si elle est négative, il faut baisser le niveau de vie des contribuables au bénéfice des détenteurs de titres, français et étrangers. Et l’effet boule de neige reprend à la moindre crise.

Et pourtant, la vérité est ailleurs, logée dans le hors-bilan de la BCE. Des projets d’éoliennes aux maisons de retraite, le hors-bilan gonfle tous les jours. Des investissements dont les coûts sont payables plus tard et dont les bénéfices de long-terme sont difficilement quantifiables. En France, le hors-bilan a été multiplié par 3 environ entre 2007 et 2019. « Devant nous, un iceberg de dettes, où 80 % du poids total ne se voit pas : une dette immergée, des engagements payables plus tard. Il y a anguille sous roche, et même cachalot sous roche ».

Une banque centrale dépolitisée et indépendante, c’est original

Pour Mathieu Mucherie, la banque centrale est une institution publique qui gère la monnaie mais qui devrait encore faire partie des États, et cela fut un peu perdu de vue au fil des années. Aujourd’hui la BCE défend bec et ongles son statut indépendantiste, fait la pluie et le beau temps en Europe et prête à « taux » va. De ce fait, la quasi-totalité des États se précipitent pour emprunter des centaines de milliards pour des questions budgétaires (opinion publique, mouvement populiste…) au détriment de la question monétaire stratosphérique. Cette politique de l’autruche provoque une désinhibition totale quant au recours à la dette.

« Le bilan de la BCE peut s’étendre considérablement, n’a pas à être équilibré ou certifié […] la BCE devrait a contrario effectuer une politique contracyclique, mettre de l’huile sur le feu quand tout va bien mais se montrer plus accommodante en période de crise pour soutenir l’économie ».

Pour l’économiste de marché, le problème se trouve également en son sein. En outre des élus sélectionnés en interne, pas trop amateurs de Fisher et Rogoff, et qui ne traitent pas de la question monétaire. « Le problème quand vous arrivez sans expérience dans le domaine, vous vous rangez avec les « durs », ceux friands d’un taux directeur bas de long-terme, pour gagner en crédibilité ».

Annuler la dette ?

C’est la proposition de Mathieu Mucherie, progressivement bien sûr. Partant du constat économique actuel, il propose une remise des dettes à l’intérieur du bilan de la banque centrale (une proposition volontairement floue pour donner matière à réfléchir) déjà gorgé de dettes souveraines et qui ne s’analyse pas comme un bilan ordinaire. Il aborde ensuite les principales objections avancées dans ce débat et tente d’y répondre. Enfin, il propose des pistes de reconstruction du système budgétaire et monétaire afin de ne pas « se retrouver dans 10 ou 20 ans au pied de la même montagne ». La dette n’a pas fini de faire couler de l’encre.

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