La Première ministre autorise la vente à perte de carburant

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Dans un contexte budgétaire très contraint, l’exécutif annonce autoriser la vente à perte des carburants, pour une durée théorique de six mois, à compter du 1er décembre.

Face aux colères françaises, « La Première » doit trouver des solutions pour baisser les prix. Son projet pour l’essence sera-t-il efficace ?

« En France, on n’a pas de pétrole mais on a des idées ». L’adage est bien connu. Dans un contexte difficile où, comme l’indique la ministre de l’Énergie, Agnès Pannier-Runacher : « des pays comme l’Arabie Saoudite et la Russie s’organisent pour augmenter le prix du pétrole sur les marchés internationaux », le gouvernement est contraint à l’improvisation. Impossible par exemple de dépenser 8 milliards d’euros, comme l’an passé, pour subventionner les carburants. D’abord parce que cette somme est exorbitante (elle équivaut au budget du ministère de la Justice). Mais aussi parce qu’à l’heure de la transition verte, soutenir à coups de subventions massives les énergies fossiles n’a rien de soutenable.

Pourtant, les Français sont à cran. Lessivés pour certains, en colère pour tant d’autres, face à l’inflation qui gangrène. Le leader du PCF, Fabien Roussel, a récemment menacé – sans que l’on sache vraiment si c’était du lard ou du cochon – « d’envahir les préfectures et les stations essence ». Ainsi, pour éviter le retour de la fièvre des Gilets jaunes, l’équipe Borne doit faire un geste. Mais les marges de manœuvres sont quasiment inexistantes. Rappelons que Bruno Le Maire a récemment ordonné « 16 milliards d’euros d’économies ». Une condition sine qua non pour engager le désendettement… Il s’agit d’éviter que la France devienne, à court ou moyen terme, la proie des marchés financiers.

Une idée aux airs de « poire pour la soif »

Ainsi, la Première ministre dégaine son joker dans Le Parisien Dimanche. « À titre exceptionnel sur le carburant et sur une période limitée, nous allons lever l’interdiction de revente à perte, ce qui permettra aux distributeurs de baisser davantage les prix. Avec cette mesure inédite, nous aurons des résultats tangibles pour les Français, sans subventionner le carburant. Le pouvoir d’achat, c’est notre combat ». Vendre à perte… Une « poire pour la soif » qui traînait depuis un moment dans les tiroirs de Matignon. Un moyen de montrer qu’on agit en faisant sauter un tabou français.

La mesure n’entrera en application qu’au 1er décembre. Et ne s’appliquera en théorie que pour six mois. Il faut en effet modifier la loi, qui évoque aujourd’hui la vente à perte comme « une pratique commerciale interdite » (Code du commerce, article du 2 juillet 1963). Cette petite révolution aura-t-elle un impact ? Invité de RTL, le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, évoque « potentiellement 50 centimes en moins par litre […] On ne dit pas que l’essence va tomber à 1,40 euro dans toutes les stations pendant six mois. Il y aura des périodes pendant lesquelles des Français pourront aller dans des stations, faire le plein et se mettre à l’abri quelques jours ou quelques semaines ». Les chiffres optimistes d’Olivier Véran sont démentis par un haut-fonctionnaire de Bercy, cité dans Le Parisien : « Délirant, débile ». Au moins, c’est clair !

Attention aux effets pervers

Vendre à perte… Cela revient à donner l’autorisation aux distributeurs de vendre l’essence moins chère qu’ils ne l’ont achetée. Nul besoin d’être un grand capitaine d’industrie pour comprendre que cela n’est pas tenable pour les entreprises. Ainsi, les distributeurs du genre Leclerc ou Carrefour pourraient être tentés de faire de l’essence un produit d’appel, en cassant les prix pour attirer les clients dans la grande surface… où ils reconstitueront leurs marges sur d’autres produits, alimentation en tête ! Ce risque du serpent qui se mord la queue inquiète évidemment : le remède serait pire que le mal. Le député Renaissance Pieyre-Alexandre Anglade tente de rassurer. « Le gouvernement veillera à ce qu’il n’y a pas de contreparties ou que cela ne se répercute pas par ailleurs sur d’autres produits de la vie du quotidien ».

Autre effet pervers de la mesure : la disqualification des petits au profit des gros. Même s’il ne reste plus beaucoup de stations indépendantes en France, celles-ci tiennent à survivre. Contrairement à TotalEnergies ou aux grandes surfaces, qui jouent la carte de la diversification, le chiffre d’affaires des petites stations repose exclusivement sur la vente de l’or noir. Francis Pousse, président de la branche distributeur carburant du syndicat Mobilians, lance l’alerte. « 2 200 de mes adhérents n’ont aucune façon de faire des prix coutants et encore moins demain, de faire de la vente à perte puisque contrairement aux grandes surfaces, nous, notre cœur de business, c’est vendre du carburant avec une proportion plus ou moins importante dans la marge de la société. Mais sans carburant, nos sociétés ne pourront pas vivre bien longtemps ». Il a obtenu un rendez-vous auprès de Bruno Le Maire.

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