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Le groupe audiovisuel vient d’être condamné à une amende record de 3,5 millions d’euros.
En cause, une séquence de l’émission « Touche pas à mon poste », où l’animateur Cyril Hanouna a couvert d’insultes le jeune député LFI, Louis Boyard. En parallèle, la ministre de la Culture déclare sur France Inter qu’elle n’est pas hostile à une remise en cause des fréquences de C8 et CNews. Demain, un écran noir sur ces chaînes ?
« Abruti », « tocard », « t’es une merde ». Le 10 novembre, les téléspectateurs de la chaîne C8 découvraient un spectacle lamentable. Celui de la dispute, vulgaire et indigente, entre Cyril Hanouna et le jeune député LFI Louis Boyard, par ailleurs ancien « chroniqueur » de l’émission. L’insoumis, adepte du buzz et d’une stratégie de la dépravation politique, avait, à l’antenne, critiqué l’homme d’affaires Vincent Bolloré… Par ailleurs propriétaire de la chaîne. Une mise en cause qui n’avait pas plu (mais alors vraiment pas) à Cyril Hanouna qui a préféré couvrir ses paroles d’insultes.
Une sanction aux airs de mise en garde
Voilà, en quelques mots, comment se résume cette triste algarade qui incarne le pire de ce qu’est la télévision contemporaine ; en permanence acquise au nivellement par le bas. L’Arcom, ex-CSA, décide de sévir, en concordance avec ses prérogatives. Le groupe Canal+ devra ainsi s’acquitter d’une amende record de 3,5 millions d’euros. Le tout pour absence de maîtrise de l’antenne et manquement à l’honneur de l’invité. En 2017, l’Arcom (alors appelé CSA) avait déjà tapé du poing sur la table en raison d’une séquence jugée homophobe.
En parallèle de cette sanction, sans doute légitime, il y a eu la prise de parole de la ministre de la Culture et de la Communication, Rima Abdul Malak. L’ancienne conseillère d’Emmanuel Macron, qui a succédé à Roselyne Bachelot en mai, était l’invitée de France Inter, jeudi 9 février. Peu audible pour l’instant, la locataire de la rue de Valois a voulu frapper un grand coup – peut-être pour assoir davantage son autorité. Elle a d’abord commenté une autre sortie de Cyril Hanouna (lui offrant ainsi davantage de crédit) au sujet de la privatisation du service public, qu’il souhaite ardemment. Il a d’ailleurs plaidé en ce sens durant un autre numéro de son émission, dans un exercice de populisme assez médiocre. « Inadmissible », pour la ministre. Ouf de soulagement dans le studio de France Inter, radio publique…
La ministre évoque l’hypothèse d’une coupure de signal
L’ex-dirigeante de Clown sans Frontières va même beaucoup plus loin. Jusqu’à imaginer, à voix haute, le retrait des fréquences de CNews et C8. Ce qui constituerait un acte inédit, signant la coupure définitive du signal. « Je suis dans mon rôle quand je rappelle le cadre existant », a-t-elle souligné. « Il y a des obligations à respecter. Il y a déjà eu une vingtaine d’interventions de l’Arcom, depuis 2019, pour C8 et CNews. Au bout de combien d’interventions l’Arcom pourra-t-elle dire à quel degré les obligations ne sont pas respectées ? C’est le rôle de l’Arcom ».
Il convient de rappeler que le ministère de la Culture n’a aucun pouvoir de régulation en matière audiovisuelle, pour des raisons évidentes de respect du pluralisme et de défense de l’information libre. Cependant, une telle prise de parole peut influer sur la décision des « sages » de l’Arcom. Leur indépendance n’est que relative, puisqu’ils sont nommés par les présidents de l’Assemblée nationale, du Sénat ; ou par les hauts-dignitaires de la Cour de Cassation et du Conseil d’État. Notons également que le président de l’Arcom, Roch-Olivier Maistre, tire sa légitimité… directement du président de la République. Indépendance réelle ou théorique ?
Le groupe Canal+ se dit « choqué »
Ainsi, le groupe Canal+ a immédiatement fait part de sa réaction. Un communiqué au vitriol. « En laissant à nouveau entendre que les licences de nos chaînes ne mériteraient pas d’être renouvelées en 2025 alors même qu’elle se refuse de commenter la procédure de renouvellement d’autres acteurs de l’audiovisuel, Madame la Ministre prend parti, sort de sa réserve et ne respecte pas l’indépendance de notre régulateur sectoriel ».
Les communicants de la chaîne cryptée notent également : « Près de cinq minutes de son intervention ont été consacrées à la critique de notre Groupe et à des invectives contre nos chaînes C8 et CNews ».
Une ministre qui mène un combat politique
Il est vrai que la ministre, engagée à gauche, ne cache pas mener un combat politique contre ce qu’elle appelle, sans doute par abus de langage, « l’extrême-droite ». Elle a d’ailleurs déclaré au Monde, dans une entrevue antérieure, que « la bataille contre le Rassemblement national est une bataille culturelle ». Autant dire qu’elle ne regarde pas Pascal Praud tous les matins…
La ministre s’est donc fâchée avec Canal+. Peut-être a-t-elle oublié que le groupe reste essentiel à la culture de notre pays ; puisqu’il est le premier financeur du cinéma français… Un détail, vraiment ?