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Les économies qu’il fera dans cette réforme de l’État, Boris Johnson entend les restituer aux Britanniques.
Il n’y va pas avec le dos de la cuillère à pot. Dans une interview au quotidien conservateur The Daily Mail, Boris Johnson, comme à son habitude, fonce dans le tas : « Il nous faut réduire le coût de l’État pour faire face au coût de la vie. » Résultat : le Premier ministre britannique compte supprimer 90 000 postes de fonctionnaires, soit 20 % de l’effectif total. Inimaginable en France ! Et le voilà qui réunissait son cabinet dans la foulée, à l’occasion d’un séminaire gouvernemental organisé jeudi 12 mai à Stoke-on-Trent, sympathique bourgade ouvrière du Nord de l’Angleterre. Boris Johnson a ainsi ordonné à ses ministres de lui fournir sous trentaine un plan détaillé, administration par administration. Retour aux temps thatchériens de l’austérité ? Pas si sûr…
Contrairement à la France, le Royaume-Uni possède un nombre de civil servants bien plus variable (on embauche ou on débauche selon les besoins à l’instant T). Et ces dernières années, il a fallu beaucoup recruter. D’abord pour régler les paperasses du Brexit, puis surtout pour faire face à la menace covid, dans les hôpitaux comme les centres de vaccination. Ces temps difficiles ayant été surmontés, on pourrait donc réduire la masse salariale. Celle-ci a en effet été gonflée de 25 % depuis 2016 ! Une grande majorité de cette hausse concerne l’administration centrale de Whitehall (quartier londonien des administrations). Il s’agirait d’un simple retour à la normale.
Une stratégie qui n’est évidemment pas du goût de l’opposition travailliste, emmenée par Sir Keir Starmer. Le Labour s’est fendu d’un communiqué alarmé : « Au lieu de mettre en place un budget d’urgence, les Conservateurs ont choisi de laisser tomber une fois de plus les travailleurs par des discours inutiles et une inaction. » Eh oui… Est-ce vraiment le moment, alors que l’incertitude économique plane, d’envoyer des dizaines de milliers de fonctionnaires vers le chômage ? Le Premier ministre persiste et signe : « Alors que les gens et les entreprises à travers le pays font face à la montée des prix, le peuple attend de son gouvernement qu’il gouverne par l’exemple en étant le plus efficace possible. »
Mettre le paquet contre l’inflation
Les économies qu’il fera dans cette réforme de l’État, Boris Johnson entend les restituer aux Britanniques. D’abord par des baisses d’impôts : « Chaque livre que le gouvernement préempte aux contribuables est de l’argent que ceux-ci pourraient dépenser pour leurs propres priorités, leur propre vie », déclare Boris Johnson, toujours au Daily Mail. Mais ce n’est pas tout : le gouvernement prépare de nouvelles aides aux plus démuni·es. Le tout sur pression du patronat. Inhabituel, pour le moins ! Divers grands groupes, par la voix de leurs dirigeant·es, réclament de relancer la consommation par la demande en appuyant les ménages.
S’il réalise cette économie considérable sur l’emploi public, Boris Johnson espère préserver 3,5 milliards de livres – soit 4,1 milliards d’euros. Une somme qu’il voudrait alors réinjecter dans l’économie réelle.
Jacob Rees-Mogg, le ministre des fonctionnaires… qui n’aimait pas les fonctionnaires
Étrange personnage que ce Jacob Rees-Mogg. So british ! Avec son air distingué de Lord anglais, on le croirait tout droit sorti d’un roman victorien. Il fait d’ailleurs un point d’honneur à s’exprimer dans une langue très châtiée et souvent snob. Excentrique, l’homme est célèbre pour une photographie qui le dévoile assoupi de tout son long sur le banc vert des gouvernants, à la Chambre des Communes. L’homme est un châtelain de Bath, père de six enfants (qui tous se rendent chaque dimanche à l’office catholique – célébré en latin, s’il vous plaît !).
Boris Johnson a choisi cet esprit original pour occuper une fonction qui ne l’est pas moins… Jacob Rees-Mogg est en effet « Ministre d’État pour les opportunités du Brexit et l’efficacité du gouvernement ». La deuxième partie de l’intitulé recouvre ainsi la fonction publique. Défenseur acharné des fonctionnaires ? Pas vraiment… À son avis, supprimer un cinquième de la masse salariale publique constitue un objectif « peu ambitieux ». Bagatelle ! Si ça ne tenait qu’à lui, on en aurait sûrement supprimé davantage encore.
Tel un patron suspicieux, Rees-Mogg surveille étroitement ses fonctionnaires, toujours persuadé qu’ils ne sont pas loin de tirer au flanc… Sa dernière lubie ? « Déclarer la guerre à la semaine de trois jours dans la fonction publique ». Annonce dévoilée dans le Daily Telegraph, dernier chic des actualités conservatrices. Et pour cause ! Jacob Rees-Mogg dit avoir remarqué que bon nombre de fonctionnaires basculent subitement en télétravail « lorsqu’il y a du soleil ou du sport à la télé ». Démagogie, quand tu nous tiens ! Même s’il n’a probablement pas entièrement tort. Rem acu tetigisti…