Un magnat de la santé dans la tourmente. Bernard Bensaïd, dirigeant du groupe Avec, opérateur global de santé, se retrouve face à la loi. Il est mis en examen pour « prise illégale d’intérêts » et « détournement de fonds publics ». Insuffisant pour le stopper dans ses nombreux projets. Entretien.
En octobre dernier, la Première ministre réagissait au sujet de cette affaire : « Partout où cet acteur est implanté, j’ai demandé aux services de l’État d’être attentifs. » Au nom du droit à la défense, nous avons tenu à entendre les arguments de BernardBensaïd. Et surtout, à faire le point sur ses aspirations pour le secteur de la santé.
Vous annoncez expérimenter le modèle d’Opérateur intégré de santé et d’autonomie. De quoi s’agit-il ?
B.B. : L’idée est simple : le patient est confié à un seul opérateur de santé et de prise en charge de la dépendance agréé qui gère tout son parcours de soins et d’autonomie, avec une obligation de résultat. Cette solution existe déjà dans d’autres pays européens comme par exemple l’Espagne, qui consacre beaucoup moins de ressources humaines et financières à son système de santé et médico-social tout en ayant des indicateurs de santé meilleurs qu’en France. Le Groupe Avec a donc initié une mission menée par un cabinet expert indépendant qui vise à démontrer scientifiquement l’impact réel de l’Opérateur intégré dans la prise en charge des personnes âgées en perte d’autonomie.
Vous parlez de disruption… n’est-ce pas un peu exagéré ?
B.B. : Pas du tout ! Nous allons réaliser sur plusieurs territoires des POC (proof of concept) qui permettront de promouvoir cette organisation innovante pour démontrer que la valeur ajoutée de l’opérateur intégré est multiple. D’abord l’opérateur connaît mieux le patient pendant son parcours (ville, hôpital, domicile, maison de retraite) et donc le prend plus efficacement en charge. Ensuite la personne âgée est confiée à un seul opérateur ce qui fait quasiment disparaître les ruptures de parcours pour la personne âgée et limite drastiquement les actes redondants.
Enfin l’opérateur intégré est le coordinateur naturel du parcours. Il reçoit donc une rémunération sous la forme d’une enveloppe globale à la capitation, mettant ainsi fin aux dérives économiques du système actuel de tarification à l’acte. Croyez-moi, ce mode de rémunération est révolutionnaire !
Voyez-vous d’autres avantages ?
B.B. : Oui, car ce dispositif donne en réalité les bonnes incitations pour favoriser les actions préventives beaucoup trop faibles dans le système actuel. La prévention est le parent pauvre des politiques gériatriques. Pour des raisons économiques l’opérateur intégré aura intérêt à mettre le paquet sur le préventif puisque c’est lui qui devra assumer les conséquences médicales d’une chute ou d’une dénutrition. Avec ce système prévenir deviendra plus intéressant que guérir !
Concrètement, comment allez-vous vous y prendre pour convaincre de la justesse de ce dispositif ?
B.B. : Dès la rentrée de septembre, il s’agira de proposer la déclinaison de ce nouveau modèle sur plusieurs territoires où le groupe est présent avec plusieurs outils de prise en charge à domicile, en ville ou en établissement. Nous avons confié cette tâche à Christophe Lannelongue, ancien directeur général d’ARS (Agence régionale de santé, ndlr). Nous avons aussi mobilisé le ministre de la Santé François Braun. Cette vision doit être une réponse à un système de santé en grande difficulté qui répond de moins en moins bien aux besoins de la population. Mais ce qui est le plus choquant, c’est que la promesse d’un système de santé solidaire n’est pas tenue pour ceux qui en ont le plus besoin. Il faut en sortir !
Votre groupe et vous-même êtes la cible de critiques dont les médias se sont fait l’écho. Vous êtes « mis en examen », que répondez-vous à vos détracteurs ?
B.B. : La disruption crée toujours des remous. J’ai effectivement été mis en examen a Grenoble sur plainte de la CGT et de FO. C’est une position infamante dont je conteste toutes les données. Cette judiciarisation se raccroche en réalité à un conflit politique local bruyant colporté par les élus Nupes. Il y a une tentative de déstabilisation du groupe qui m’a amené à prendre des décisions pour sauver nos 12 000 emplois en mettant par exemple en vente notre branche hôtelière. Mais ces coups de boutoirs des conservateurs qui ne veulent rien changer du modèle actuel ne m’empêcheront pas de poursuivre ma démonstration qui vise à prouver qu’il est possible grâce à la mutualisation et à la digitalisation de faire mieux pour les patients en dépensant moins pour la collectivité.
Et quel sera le sort des centaines de salariés de la branche hôtelière ?