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Les Rencontres économiques d’Aix-en-Provence, qui se sont déroulées du 7 au 9 juillet, ont réuni, cette année encore, du beau monde. Derrière la forme, le fond : réfléchir aux changements dans un monde menacé par des désordres climatiques, économiques, sociaux et politiques.
Étaient présents dans le Sud de la France ces derniers jours : chefs d’entreprise, universitaires, chefs d’États, représentants syndicaux, étudiants, acteurs du monde associatif… Plus de 360 personnalités de haut niveau ont débattu des grands enjeux économiques, politiques et sociaux. Et ce, dans un cadre idéal, dans l’enceinte du Parc Jourdan d’Aix-en-Provence. De nombreux débats, tournés notamment autour d’un monde plus vert pour demain.
C’était la question qui était sur toutes les lèvres lors de cette rencontre en plein air, comment financer la transition énergétique ? En outre l’Union européenne s’est engagée à adopter la neutralité carbone d’ici à 2050 et réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) pour contribuer à l’objectif européen de baisse de 40 % de ces émissions en 2030.

Un chantier très ambitieux qui nécessiterait d’allouer 2,5 % du produit intérieur brut (PIB) d’ici à 2030, soit 70 milliards d’euros, selon France Stratégie. Un montant colossal et « qui ne tient même pas compte des investissements pour préserver l’eau, ni des aides publiques aux ménages modestes », a déclaré l’économiste Patrick Artus. « À l’échelle mondiale, la transition énergétique c’est 400 milliards d’investissements par an pendant 40 ans », chiffre le directeur de la recherche économique de Natixis.
Chacun prêche pour sa paroisse

Présent lors de l’événement, Jacques Attali anticipe la disparition de l’humanité sous les coups de boutoir de ce qu’il dénomme « l’économie de la mort ». Une économie axée sur des énergies fossiles, de l’agriculture « désastreuse », de la drogue, de la tyrannie du court terme et du moi d’abord. Pour lui, elle représente 60 % de notre production actuelle de richesse mesurée par le PIB. Pour éviter cette catastrophe, il propose un basculement massif vers « l’économie de la vie », l’objet d’un de ses livres. Celle-ci est centrée sur l’éducation, la santé, la mobilité et l’énergie durable, l’alimentation saine, la culture, la démocratie. « Nous avons intérêt au bonheur des générations futures », défend-t-il. Qui pourrait dire le contraire ?

Entrer dans une transition vers une économie plus durable, personne ne peut s’afficher contre. Mais comment et à quel rythme ? Les vraies questions sont ici. Chacun y va de sa méthode en fonction de sa localisation professionnelle. Pour Luc Rémont, le nouveau PDG d’EDF, la transition réussie passe par un système électrique déployant tous les modes de production, mais construit sur un solide socle nucléaire. Aujourd’hui la seule énergie commandable et décarbonée.

Une vision très française nuancée par son homologue d’Engie, Catherine MacGregor. Elle préfère parler d’un système énergétique et non-électrique que l’on conduirait vers la décarbonation en remplaçant progressivement le gaz naturel par du biogaz et, plus tard, de l’hydrogène. De plus, elle note que des pays aussi différents que l’Espagne et l’Allemagne produisent aujourd’hui 50 % de leur énergie avec du renouvelable.
La finance, le bras armé de la transition écologique
L’Union européenne a donc des objectifs très ambitieux en matière de transition énergétique. Pour ce faire, l’État pourrait s’appuyer sur les 6 000 milliards d’euros d’épargne des Français. C’est notamment l’idée qu’a dévoilée le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire en présentant son livret vert pour les jeunes, le 16 mai dans son projet de loi industrie verte.

D’autres moyens sont mis sur la table pour permettre aux organismes publics de financer la transition énergétique. Au premier plan de ces dernières, mettre en place un impôt sur la fortune « vert », proposé par l’économiste Jean Pisani-Ferry. Il défend ainsi un « prélèvement dédié » qui pourrait « être assis sur le patrimoine financier des ménages les plus aisés ». Une idée appuyée par Patrick Artus qui assure que « le gouvernement devrait le mettre en place ».
Et pour cause, la charge de la décarbonation sera très lourde pour le gouvernement. Jean Pisani-Ferry, dans son rapport, estime que l’adaptation aux objectifs environnementaux avoisine 250 à 300 milliards d’euros de dette en plus, en cumulé, en 2030. Et jusqu’à 34 milliards d’investissement public supplémentaire par an d’ici là.
Un surendettement qui ferait exploser le déficit public de la France, déjà à 4,2 % du PIB en 2022. Et qui pourrait donc être stoppé par l’Union européenne, qui fixe un taux de déficit public de 2 %. Néanmoins, pour Patrick Artus, « l’objectif de 2 % des banques centrales est secondaire. Je préconise de monter les plafonds des taux de déficits pour permettre aux États de financer la transition ». « Recréer l’espoir », c’était le thème de ces nouvelles Rencontres économiques. Lesquelles ont tenu leurs promesses. Parce que les idées sont là. Désormais, l’heure est venue, enfin, de les appliquer.