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Omniprésence du plastique y compris sous forme de microparticules, inertie des fabricants, mauvaise information du consommateur… En France, la loi Antigaspillage de 2020 étale soigneusement les interdictions et les contraintes jusqu’en 2040. Vingt ans ? Trop long, trop peu dissuasif, clament les écologistes, sans doute à raison. Mais les vieux réflexes de défense du marché priment, alors que les industriels n’en demandent peut-être pas tant…
Les « journées de ceci et de cela », de tout et de rien, de l’essentiel au parfaitement inutile pleuvent chaque jour.
Celle d’aujourd’hui, vendredi 18 mars, entre dans la catégorie des essentielles et des planétaires, s’intitule Journée mondiale du recyclage depuis que le Bureau international du recyclage (américain) en a fixé la date en 2018. L’année dernière, elle fut des plus discrète, cette Journée, pour cause de confinement. Et pourtant ! C’est justement par temps de covid que nos poubelles (de tri ou pas) ont vu les déchets d’emballages ménagers affluer dans les domiciles : + 4 % de papiers cartons, + 2 % de plastiques, + 2 % de verre.
Loi Antigaspillage, qui va piano…
En France, la loi nouvelle dite Antigaspillage pour une économie circulaire (Agec) n’a que deux ans (février 2020). Ses prismes listent la sortie du plastique jetable, une meilleure information du consommateur, la lutte contre le gaspillage et le réemploi solidaire, la lutte contre l’obsolescence programmée et le « mieux produire ». Le tout étalé sur plusieurs années avec d’autres mesures réinjectées en janvier 2022 : interdiction des suremballages des fruits et légumes, les commandes publiques de l’État doivent bannir les produits de plastique à usage unique, interdiction de détruire les invendus non alimentaires (280 millions d’euros par an en valeur), service de réparation et de collecte des produits usagés obligatoires pour les entreprises du jouet, du sport et du bricolage, gaspillage alimentaire à réduire de 50 % d’ici à 2025 pour les supermarchés et la restauration collective (2030 pour les restaurants), parmi les mesures clés à destination des entreprises. Jusqu’à réduire le nombre des bouteilles d’eau en plastique : le principe de l’eau du robinet gratuite est imposé aux restaurateurs et aux bars (comme si tel n’était pas le cas dans la pratique). Quant aux établissements accueillant le public, ils doivent mettre à disposition une fontaine à eau.
Le 11 janvier, le ministère de la Transition écologique, l’Ademe (Agence du même nom) et des éco-organismes en « ont remis une couche » pour lancer une campagne, #LesBonnesHabitudes, flanquées des 3 R pour Réduire, Réutiliser, Recycler. L’ennui, de taille, est que, justement, ces « bonnes habitudes » ne sont pas au rendez-vous en France, ni du côté des producteurs ni de celui des consommateurs.
On n’en est pas même, toujours en France, à avoir su harmoniser les codes couleur des poubelles de tri selon les collectivités ni la répartition des matières qu’elles accueillent selon les filières. À Beauvais et ses environs, par exemple, comme dans bien d’autres villes, la poubelle jaune ingurgite tout ce qui n’est pas organique, ce qui n’augure pas d’un tri très sélectif.
Au moins, à la fin de l’année 2022, la loi Anti-gaspi oblige les collectivités à harmoniser la couleur des bacs et les consignes qui vont avec.
Pour se sevrer du plastique
Le grand combat de la loi Antigaspi reste néanmoins le sevrage du plastique. Vaste combat ! Le législateur ménage les drogués que nous sommes en déployant les interdictions sur quatre paliers soigneusement étagés de 2025 à 2040. De quoi laisser du temps à des industriels peu « emballés » à l’idée de devoir changer de fond en comble leurs processus d’emballages et la composition de leurs contenants. Trop de temps sans doute car chaque étape se contente d’objectifs limités. De 2021 à 2025, on doit avoir réduit de 20 % le recours au plastique à usage unique, dont la moitié par le recours à la réutilisation (en revanche, suppression de 100 % des emballages réputés « inutiles » qui empoisonnent la vie et les consommateurs, ceux des blisters des piles et des ampoules – pourquoi pas les autres ?). Aujourd’hui, le bilan européen de Consumers International, relayé par l’UFC-Que Choisir, conclut à une recyclabilité bien trop faible des produits de grande consommation dans les 9 pays soumis à son enquête. Les filières se révèlent d’emblée incapables de recycler des emballages multimatériaux. Un exemple, les sachets Whiskas de vos chats et chiens : ils sont fabriqués sous forme de films de plastique métallisés, donc voués à finir dans les décharges. Même impasse avec, autre exemple, un tube de chips Pringle : un contenant en carton doublé d’aluminium, au fond métallique et au bouchon de plastique : rigoureusement non recyclable dans les 9 pays soumis à l’enquête qui liste ainsi 11 produits pourvus d’au moins d’une pièce en plastique dont on se passerait bien – et les océans les premiers : M&M, Toblerone, Nutella, Dove, etc.
La loi est (relativement) douce, mais c’est la loi
Au fil des années, s’égrènent ainsi les mesures dont l’étalement choisit la pente douce : 2023, plus de vaisselle jetable dans les fast-food (mais tolérée pour les emportés). 2024, plus de dispositifs médicaux à microplastique (on prie pour que le coronavirus ne revienne pas ?). 2025, lave-linge neufs pourvus d’un filtre à microfibres plastique. 2026, le tour des produits cosmétiques « rincés »…
Et ainsi de suite jusqu’en 2040 pour tous les emballages à jeter. Loi douce pour drogue dure.
Or le score français du recyclage des plastiques se montre très mauvais : 26,4 % seulement en 2018. En cause, des consignes de tri disparates que la loi se promet de corriger et de trop faibles capacités de recyclage des filières. Notamment pour le plastique fin, parfaitement recyclable, que nous recyclons mal. Le Portugal recycle 42 % de ses emballages plastiques, le Royaume-Uni 44 % (chiffres Plastics Europe, 2018). Pour les spécialistes, le premier palier de 2025 de la loi Anti-gaspi relève du « vœu pieu ».
Pour le consommateur qui fait face à une floraison de symboles et labels sur les emballages (dont le « point vert » trompeur qui ne signifie qu’une chose, que le fabricant verse une contribution…), la généralisation sur tous les emballages à partir du 1er janvier 2022 du seul affichage du « Triman » va aider au geste. Il s’accompagne d’une information sur le geste approprié : à jeter dans telle poubelle ou identifier les produits à seconde vie (reprise en magasin pour les équipements électriques et électroniques, bornes spécifiques pour les piles ou poubelle de tri pour les papiers et les emballages).
Pour l’UFC-Que Choisir, la réduction à la source passera par des pénalités dissuasives (et des primes incitatives) que la loi Anti-gaspi, pour l’heure, ne prévoit guère. Et par l’interdiction pour les industriels d’utiliser des matériaux qui ne disposeraient pas d’une filière de recyclage bien établie. Du bon sens. Comme l’a déjà répété Geoffroy Roux de Bézieux au Medef, donnez-nous des directives, même contraignantes, et nous nous adapterons. Il serait bon que le législateur l’entende. OM
Les recommandations des Bonnes habitudes
- Les meubles et la literie: don à une structure de l’économie sociale et solidaire, dépôt dans une déchèterie publique, reprise lors de la livraison d’un meuble neuf.
- Les textiles et les chaussures: les déposer dans l’un des 46 000 points de dépôts en France.
- Les piles et batteries : les déposer dans l’un des points de collecte (magasins de distribution alimentaire, de bricolage, déchèteries, certaines administrations…).
- Les médicaments non utilisés ou périmés : jeter les emballages en carton et les notices en papier dans la poubelle de tri sélectif et rapporter le vrac en pharmacie.
- Les produits électriques et électroniques: don à une structure de l’économie sociale et solidaire s’ils fonctionnent, les déposer dans un point de vente ou une déchèterie, les faire reprendre lors de la livraison d’un appareil neuf.
- Les feux de détresse périmés des plaisanciers (sic): dépôt dans les magasins d’accastillage lors de l’achat de produits neufs.
En cas de doute, consulter en ligne le Guide du tri-Citeo
Le plan de relance consacre 226 millions d’euros à l’investissement dans le réemploi et le recyclage sur 2020, 2021 et 2022. Plus 274 millions d’euros à la gestion des déchets (modernisation des centres de tri, de recyclage et la valorisation des déchets).