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Du burn out caractérisé qui mène à une maladie orpheline incapacitante au coaching spécialisé pour accompagner les victimes de burn out, Nadia Guiny en connaît un rayon en matière de syndrome d’épuisement professionnel. Et c’est sans doute pour cette raison qu’elle pratique aujourd’hui le coaching, source continue de son renouveau d’après burn out. Déterminée à guérir, Nadia Guiny se bat contre sa maladie, une dystonie cervicale, et en guérit contre toute attente. La coach écrit alors son histoire : Le pépin et les pépites, comment faire du burn out une chance, publié en 2015 par l’éditeur prédestiné La Providence. C’est décidé, sa nouvelle vie professionnelle visera à prévenir et guérir le burn out, avec psychologie positive pour maître mot au sein de sa structure de coaching (www.ellyance.fr). Car oui, le syndrome d’épuisement professionnel risque de ruiner des vies, mais il se prévient et se guérit. À condition d’identifier les signaux et d’accepter de parler de ses troubles, pour entamer la reconstruction.

Quels sont les liens entre un burn out professionnel et la maladie ?

C’est une question pertinente parce qu’on a souvent du mal à le comprendre. Le burn out est par définition un syndrome d’épuisement professionnel lié à un surplus d’investissement dans son travail sur une longue période. L’OMS et la Sécurité sociale ne reconnaissent pas le burn out comme une maladie. Si c’était une maladie, alors tout le monde aurait la même, c’est donc ce qu’on appelle un syndrome.

Il se traduit par des symptômes à la fois mentaux, cognitifs et émotionnels, comme l’isolement, les changements d’humeur ou physiques. Qui vont prendre des formes très différentes selon les personnes. On va retrouver un sentiment d’épuisement, la sensation d’être désabusé·e, ne plus trouver d’accomplissement dans son travail. Physiquement, le syndrome va prendre des formes extrêmes, des AVC, des ruptures d’anévrisme, de l’arythmie cardiaque. Dans mon cas, ce fut une maladie orpheline neurologique invalidante qui m’a valu d’être reconnue comme travailleuse handicapée, le tout compliqué d’un AVC. Tous les burn out ne sont pas aussi violents, mais certains entraînent des conséquences irréversibles.

Comment identifier une personne qui prend le chemin de l’épuisement ?

Il existe un profil type des personnes exposées au risque de burn out. Le chemin qui y conduit est assez similaire chez tout le monde. On va le prévenir en identifiant les personnes à risque. Le profil type, c’est le syndrome du cador : des personnes surperformantes perfectionnistes, qui font des journées à rallonge et sont très dépendantes du regard des autres et des objectifs. Ces personnes deviennent souvent la variable d’ajustement et en font trop. Le burn out résultera de causes organisationnelles, avec une entreprise qui donne des objectifs surdimensionnés sans ressources suffisantes pour y parvenir et reste peu attentive aux signaux d’alertes de ses collaborateur·rices. L’employeur risque souvent de passer à côté et de ne pas voir qu’un ou une collaborateur·rice s’engage sur le chemin du burn out. Il faut toujours être attentif·ve aux signaux d’alerte.

En quoi cette calamité est-elle devenue une chance pour vous et comment un burn out pourrait le devenir pour les autres ?

Mon burn out a pris la forme d’une maladie réputée sans réel traitement. Malgré tout, je me suis dit que je n’avais qu’une option : guérir. Pour ne pas passer le reste de ma vie dans cet état. J’ai donc fabriqué mon parcours de guérison, notamment du côté des médecines alternatives puisque la médecine traditionnelle ne m’offrait aucune solution concrète. Je ne l’ai pas accepté, il n’y avait pas de traitement, mais ça ne voulait pas dire que je ne pouvais pas guérir. Ma trajectoire est marquée par l’optimisme, j’ai décidé de guérir et j’ai fini par le faire. Le burn out devient une chance à partir du moment où on le décide. Plutôt que de le vivre comme une calamité, c’est l’occasion de s’interroger sur soi-même et sur la suite de sa vie. C’est le moment où je me suis décidée à passer le cap et à changer de vie professionnelle. Le pire moment, c’est aussi le meilleur moment pour prendre des décisions. Et depuis je me félicite d’avoir tenté l’aventure entrepreneuriale.

Par où commence l’accompagnement et le coaching que vous prodiguez ?

J’accompagne de deux façons : en prévention et en reconstruction. La prévention, c’est l’étape du burn in, la première phase de l’épuisement professionnel. La personne est alors encore en poste mais commence à s’épuiser et alterne souvent avec des petits arrêts de travail. Quand et si l’employeur identifie le signal, il peut proposer à son collaborateur un coaching. Dans ce contexte, on m’explique la situation, les particularités, puis je propose que la collaboratrice ou le collaborateur me raconte ce qu’elle·il vit avec ses propres mots. Pour nouer un premier contact, un lien de confiance. Et, si la personne est d’accord, on part dans une démarche de coaching, généralement de 6 à 9 mois. C’est vraiment un travail de renaissance et de prévention sur le temps long, pour éviter que la personne n’aille jusqu’au burn out. Dans le cadre de la prévention, la personne coachée n’est pas encore en arrêt de travail. Ce genre de coaching prévention se démocratise de plus en plus dans les entreprises, notamment parce que les situations de burn out et de burn in se multiplient.

Ensuite, intervient le coaching post burn out, qui est un coaching de reconstruction. Il sera décidé par la personne quand elle est en arrêt de travail ou proposé par l’entreprise à son retour. C’est très important, car les mêmes causes produiront souvent les mêmes effets. Ce coaching se révèle généralement plus long, parce que la santé de la personne a déjà été affectée.

L’un des problèmes, c’est que 8 burn out sur 10 sont pris en charge par les médecins sous forme d’antidépresseurs, comme si une dépression et un burn out étaient la même chose. Une consultation moyenne, c’est 11 minutes, mais une personne en burn out va rarement chez le médecin. Le médecin va donc souvent prendre les signaux apparents pour ceux d’une dépression. Et les antidépresseurs n’aideront en rien à travailler différemment.

Quid du recours à la psychiatrie ?

Je suis quelqu’un de pragmatique. Si vous commencez une thérapie, très bien, mais il ne faut pas attendre des résultats rapides. Un·e psychiatre va généralement prescrire un traitement thérapeutique très long. Il faut choisir le bon interlocuteur dans ces moments-là. Selon moi, et je ne le dis pas seulement pour prêcher pour ma paroisse, le coaching est plus intéressant. Pourquoi ? Parce que l’on va travailler sur des objectifs de changement dans l’environnement de travail très précis qui sont ceux de la personne et sont déterminés par rapport aux erreurs qui l’ont conduite dans le mur. Des objectifs précis sur un temps précis, à la différence d’une thérapie qui peut venir en complément mais qui produira des effets sur un temps beaucoup plus long.

Faut-il donc avoir vécu un burn out pour pouvoir aider au mieux d’autres à s’en relever ?

J’ai tendance à penser que oui. Un médecin ou quelqu’un qui n’a que rarement été face au trouble ne sera pas toujours capable de se mettre en empathie, à cause d’une vision trop théorique du sujet. Un burn out se vit dans sa chair, dans sa tête, dans son cœur. Forcément, l’avoir vécu aide à l’empathie et à la compréhension de ces profils. Et on peut donner des exemples de sa propre expérience pour illustrer la démarche de guérison, pour que la personne se sente comprise. Le coaching, c’est de la confiance et se sentir accepté·e, compris·e et non jugé·e. Se rendre malade pour son boulot, c’est difficile à appréhender et on n’a souvent pas les ressources pour pouvoir faire autrement.

Le premier grand enjeu est-il donc de savoir mettre des mots sur ce qui nous arrive ?

J’anime des formations à la prévention des risques psychosociaux, qui incluent le burn out. À chaque fois, je suis épatée de voir combien de personnes, dans leur regard, se disent qu’elles vivent déjà certains des signaux annonciateurs du burn out que l’on évoque. Souvent, les gens n’en prennent pas conscience et minimisent ce qui leur arrive, leurs moments de mal-être en entreprise. Une fois sensibilisés, ils se rendent compte que ça n’arrive pas qu’aux autres. Il faut un espace de parole, et le coaching l’ouvre. Pour beaucoup, la croyance veut que dire les choses c’est se plaindre, et que se plaindre ça ne se fait pas. Ce sont ces personnes-là qui sont les plus à risque. Il faut savoir s’écouter et en parler.

Une fois sorties du burn out, souvent les personnes changent d’entreprise ou de métier. Mais ce n’est pas une fatalité. En retravaillant sur sa façon d’appréhender le travail, on peut revenir à ses fonctions antérieures en le vivant beaucoup mieux. C’est là qu’on fait vraiment du burn out une chance.

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