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Rendez-vous incontournable des traders et investisseurs, la 18e édition du Salon du Trading aura lieu vendredi 22 septembre, de 9 h à 20 h, 16 Rue Jean Rey (75015, à Paris). L’occasion de rencontrer des intervenants pour apprendre à gagner sur les marchés boursiers les plus spéculatifs, en compagnie des meilleurs traders internationaux. ÉcoRéseau Business est partenaire de l’événement.
André Malpel, professeur à l’université Paris-Dauphine et fondateur et directeur général de l’agence IAT, organisatrice de l’événement, a répondu à nos questions concernant l’événement. Cette année, l’IA sera au cœur des débats.
Comment utilisez-vous l’intelligence artificielle dans votre trading ?
Étant par préférence « discrétionnaire », je me sers de l’IA de manière complémentaire, pour m’aider à analyser les marchés financiers et à détecter des opportunités de trading. Malgré tout, cela reste en premier lieu orienté « Investissement », c’est-à-dire avec une perspective de quelques jours au moins, voire plutôt quelques semaines. En second lieu, cela concerne surtout (pour le moment, espérons), voire uniquement les valeurs US. Enfin, cela repose sur de l’analyse économique. En étudiant-analysant les fondamentaux et infos des sociétés, même si d’autres comme www.trade-ideas.com utilisent de l’Analyse Technique. Mais au fond, juste pour refaire ce que ferait aussi bien un analyste technique compétent. Voire un peux mieux. Nous sommes face à une sorte de « super screener », qui va permettre de gagner du temps.
Comment l’IA a-t-elle changé le paysage du trading boursier ?
L’IA professionnelle a rendu le trading professionnel plus rapide, plus précis et plus efficace. Elle a également permis aux traders d’accéder à des informations en temps réel et d’analyser de grandes quantités de données pour prendre des décisions éclairées. Mais ce type d’IA n’est pas encore vraiment accessible aux particuliers. Pas vraiment en rapport avec ChatGPT, et la révolution actuelle des esprits sur l’IA, mais plutôt avec le machine learning et les réseaux de neurones, qui ne sont pas encore facilement accessibles au grand public. Mais cela progresse.
Ceci étant dit, un grand nombre de personnes confondent IA, Algos ou Trading Systems et Trading Automatique ou Robot. Par exemple, l’analyse et l’automatisation de votre trading basé sur du texte que vous soumettez à une IA, tel que le fait par exemple https://capitalise.ai/ ou https://www.composer.trade n’est pas ce que je considère comme de l’IA relevant du Trading, mais plutôt dans l’automatisation de directives données par un humain. C’est-à-dire une sorte de capacité à coder des idées, même si malgré tout cela reste vraiment très utile dans ce cadre.
Chacun de ces développements technologiques tirent leurs forces des progrès de l’informatique en général. Mais tandis que les Systems ou le Trading auto, peuvent se faire, plus ou moins bien, manuellement, en revanche l’IA, outre ce qu’elle produit avec les modèles de langages utilisés par ChatGPT, nous apporte d’autres infos, qu’un individu lambda aura beaucoup de mal, voire sera incapable de trouver ou de réaliser. Comme indiqué plus haut, pour faire simple, l’IA repose surtout sur le machine learning et les réseaux de neurones, avec une multitude de variantes complexes, et des possibilités techniques spécifiques en étant capables d’analyser très rapidement des quantités de données.
Déjà en 1995, j’avais exploré plusieurs solutions avec des réseaux de neurones, et des logiciels comme NeuroShell. Les résultats étaient séduisants, mais sujets à caution, car difficilement et humainement explicables. Or en Trading, l’aspect psychologique est particulièrement important… Surtout quand les résultats déclinent ou refluent trop longtemps, mais également quand il ne se passe rien sur les marchés et qu’il faut rester patient. C’est là évidemment que le Trading Automatique et les Systems prennent tout leur sens, en essayant de palier à ces faiblesses humaines que constituent l’aversion au risque ou aux pertes, et la patience.
Concernant le machine learning, le process est un peu plus compliqué, et peu accessible. La définition même reste floue, avec plusieurs possibilités d’apprentissage. Supervisée, non-supervisée ou par renforcement. Déjà sur le choix du type d’apprentissage, il conduit à des pistes et résultats de recherches très différents. L’apprentissage non-supervisé en particulier, laisse la machine un peu trop libre et indépendante, et donne souvent des résultats « farfelus ». L’apprentissage supervisé en revanche demande aux chercheurs d’avoir déjà une idée de ce qu’ils espèrent trouver. Ce n’est pas évident ! Le couplage des deux, est souvent la meilleure option, mais demande du temps.
En réalité, au bout du compte, on est un peu déçu. On espérait quelque chose de quasi-magique, et il n’en est rien. L’IA ouvre, en nous permettant d’accéder à d’autres infos, de nouveaux horizons de recherches et nous fait gagner du temps sur l’obtention de ces éléments. Mais ce faisant, rallonge évidemment la durée des recherches elles-mêmes, qu’elle étend parfois jusqu’à l’infini en soulevant de nouvelles questions !
Quels sont les risques associés à l’utilisation de robots de trading et comment les évitez-vous ?
Les risques liés à l’utilisation de robots de trading incluent la dépendance excessive à la technologie, la sur-optimisation parfois des stratégies, les erreurs de programmation et les problèmes de sécurité. Pour les éviter, j’essaye de m’assurer de choisir des robots ou IA fiables (leurs références, leurs stats, etc.), mais surtout de les surveiller régulièrement, en essayant de les comprendre (ce qui n’est pas facile) et souvent de mettre à jour leurs paramètres en fonction des conditions du marché, ce qui dénature malheureusement le concept. Mais peut-être dans ce cas que le problème pour moi est surtout d’ordre psychologique et du rapport que je peux avoir avec ces Systems ou techniques, demeurant en effet très cartésien comme beaucoup de Français, et trader discrétionnaire (libre arbitre).
Pour d’autres intervenants, la solution se trouve dans le cadrage des résultats qui doivent restés dans certaines limites prédéfinies. Le problème dans ce cas est simplement repoussé, car personne n’a jusqu’à présent réussi à trouver une solution pour fixer ces limites de manière infaillible.
Comment voyez-vous l’avenir de l’utilisation de l’IA dans le trading ?
Je pense que les discussions un peu « euphoriques » et surdimensionnées autour de l’IA et surtout de ChatGPT vont tout doucement s’amenuiser, et revenir sur des niveaux plus cohérents et sereins.
Ces technologies devraient toutefois, au gré des recherches et nouvelles avancées, apporter de nouvelles réponses pour aider les traders à prendre des décisions plus rapides et plus précises. Cependant, il est essentiel de rester vigilant sur les résultats obtenus, et ne pas tomber dans l’admiration béate des premiers jours, et de continuer à développer ses compétences en tant qu’individu propre pour tirer le meilleur parti de l’IA et du trading automatique.
Ces avancées se feront assez lentement, permettant de s’y adapter au fur et à mesure et éventuellement de les utiliser dans son trading, même si elles apparaissent le plus souvent, de manière inattendue et par à-coups.
Pour conclure, j’ajouterai à titre d’illustration qu’avec la vague de l’IA en Bourse, s’accompagne en parallèle une « gamification » de la Bourse, qui s’est surtout développée avec les envolées du Bitcoin (laissant croire à l’argent facile) et durant le confinement. Or pour beaucoup, l’IA apparait alors comme la solution pour jouer et gagner (en trichant légèrement, mais sans scrupule) à ce jeu financier risqué. Un peu comme sur certains jeux vidéo, vous pouvez acheter des armes ou des fonctionnalités supplémentaires, pour améliorer vos pouvoirs et gagner plus facilement au détriment des autres joueurs.
Propos recueillis par Geoffroy Gameiro